RIP Pascal Phalacrocorax Schmitt
Déposez votre - Write your - Tribu(te) pour Pascal
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Le 20 décembre 2013 vers 15H, face au 60/62 quai de la Marne, l’oiseau s’est envolé, jeté par poignées, envoyé en l’air entre ciel et terre, au bord du Canal de l’Ourcq. Là où, petits, son frère et lui pêchaient des écrevisses au début des années soixante. C’était avant que sa vie se dégrade, avant qu’on le place loin de sa mère, loin de son 19ème, avant que les malheurs ne s’abattent sur ce petit blondinet pas bien gras, qui avait déjà subi une peine irréparable : conçu jumeau il était né sans Elle. Ou disons qu’elle était en lui.
De son passage de Vocoder à Auto-log, de matière biologique à cendres, puis de poussières à molécules dissoutes dans le petit vent d’ouest, de ces grands trips et de tous les autres voyages de sa vie, il ne reste qu’une mention terriblement réductrice : Parti pour Croatan , Pascal Schmitt 02/09/1957 – 13/12/2013
Sauf qu’avec Pascal Schmitt, rien ne se passe jamais comme prévu. Impossible qu’il ne reste qu’une notice nécrologique, ou une bio sur un site internet. Avant la crémation, l’ascenseur qui montait sa boite est tombé en panne... trouvez le bug ! Après l’opération de haute-couture qui devait le transformer en greffé auto-log à capacité de survie incertaine, une fois libéré des drains et autres chaines, il avait dit « maintenant que j’ai des ailes... ».
L ’oiseau, que je qualifiais souvent de héron à cause de ses longues et maigres échasses, à peine envolé, il n’aura fallu que 16 jours pour qu’un autre oiseau apparaisse, perché sur une branche basse de l’arbre le plus proche du canal, face au 58 quai de la Marne.
Quand je l’ai vu la première fois je n’étais même pas étonnée. Quoi de plus normal pour un homme fou d’oiseaux qui les nourrissait, les observait et connaissait le moindre détail de leurs habitudes. La question était plutôt de savoir qui était cet animal. Pas un échassier, ni un de ces rapaces qui le fascinaient. C’est un oiseau noir, de belle taille et de grande envergure, avec un bec clair fin et pointu, un long cou flexible typique des oiseaux marins et des ailes qui lorsqu’il les déplie pour les faire sécher ont cette forme caractéristique à laquelle on reconnaît le cormoran. Phalacrocorax carbo pour les initiés.
Le second jour le cormoran, donc, m’attendait posté exactement au même endroit, avec trois de ses congénères posés sur des branches plus hautes. Le huitième jour ils étaient 8 et nous étions 2. Nous avons arpenté les quais et les ponts, sommes passé sur l’autre rive, sous l’arbre pour le voir de plus près. Mais il se planquait derrière les branches, comme si il ne souhaitait pas qu’on le photographie de trop près. Puis il est parti pêcher vers l’Est.
Le huitième jour, un mois exactement après l’envol de Pascal vers ces autres possibilités qu’il n’avait cessé de rappeler à touTEs, Maître Cormo n’y était pas. J’ai paniqué. Mais il a suffit que je tourne le dos et que je regarde le dernier rayon de soleil pointant dans l’enfilade du canal pour qu’il rapplique sans bruit derrière mon dos. J’ai reculé jusqu’à la balustrade du terre-plein, histoire de prendre du champ. Il a alors déployé ses ailes, laissant le soleil absorber les gouttes d’eau qui les alourdissaient et provoquant un petit attroupement de curieux. Nez en l’air ils l’observaient, mimant sa posture « un cormoran... c’est un cormoran... » ai-je entendu. L’homme qui est resté le plus longtemps m’a dit ensuite qu’il y en avait toute une bande plus bas vers le pont, mais qu’il n’en avait jamais vu faire ça à cet endroit là. Avant que je ne reparte à mon tour, Pascal Phalacrocorax Schmitt, satisfait de son effet, a replié sa voilure et m’a semblé rigoler doucement. Toujours aussi facile de surprendre ces humains !
Christine - Onna hitori * - Lundi 13 janvier 2014
* onna hitori signifie "femme devenue seule" en japonais.
Ce qui ne veut pas dire qu’elle est seule dans la vie, bien au contraire. Elle a toute sa tribu autour d’elle, mais elle va désormais seule parce que l’autre avec qui elle était ochidori fou fou (les canards amoureux) ne marche plus à ses côtés.